Le non-respect des délais de paiement accordés à un locataire commercial par une ordonnance de référé passée en force de chose jugée rend la clause résolutoire définitivement acquise malgré la mauvaise foi du bailleur qui l'invoque.
Un bailleur commercial avait demandé que soit constatée l’acquisition de la clause résolutoire du bail en raison du non-paiement de loyers par son locataire. Une ordonnance de référé, non frappée d’appel, avait autorisé le locataire à régler sa dette de 20 031 € en vingt-quatre mensualités et ordonné la suspension de la clause résolutoire, dont il était prévu qu'elle serait de nouveau effective en cas de défaut de paiement selon l'échéancier prévu. Le délai octroyé ayant expiré sans que le locataire ne paye la totalité de sa dette, le bailleur avait demandé son expulsion.
Les juges du fond ont considéré, sur la base des éléments suivants, que le bailleur était de mauvaise foi et que la clause résolutoire dont il se prévalait n'avait donc pas pu jouer : le locataire avait versé 20 000 € en huit mois alors que l'ordonnance de référé lui en laissait vingt-quatre pour apurer sa dette, et il ne lui restait qu'un très faible solde à payer, soit 31 €, minime par rapport à l'importance de sa dette initiale.
La Cour de cassation censure cette décision au visa de l'article L. 145-41, alinéa 2 du code de commerce, lequel dispose que le juge peut, en accordant des délais de paiement à un locataire commercial, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation du bail, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. Etant précisé à ce même article que la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
La troisième chambre civile en tire en l'espèce les conséquences suivantes : lorsqu’une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au locataire des délais de paiement en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi du bailleur à s’en prévaloir puisse y faire obstacle.
Elle revient ainsi sur une ancienne jurisprudence qui l'avait vue juger que, si les difficultés du locataire à s’acquitter de sa dette dans les délais prévus par l’ordonnance de référé étaient uniquement dues à la mauvaise foi du bailleur, les juges du fond pouvaient refuser de constater la résiliation du bail (Cass. 3e civ., 5 juill. 1995, n° 93-15.637 D).
Cass. 3e civ., 26 oct. 2023, n° 22-16.216 FS-B